lundi 14 septembre 2009

Voir le Japon... # 15

Dimanche 14 septembre : retour au bercail

Pas besoin de réveil ce matin: bien avant l'heure, à cause du futon un peu, de l'excitation aussi, les yeux sont tôt ouverts. Yvette a passé une terrible nuit et pense bien n'avoir plus la petite bribe de nourriture ni de liquide à rejeter.

Sacs bouclés, c'est le dernier petit déjeuner à Hiraiwa, puis arrive le taxi à l'heure (on est toujours au Japon), puis nous voilà tranquillement à la gare, puis dans le rapide pour Kansaï Airport, aéroport récent construit sur une île artificielle au sud d'Osaka. De Kyoto à Kansaï, c'est une agglomération presque continue, avec quelques petites rizières enserrées dans les maisons (dont certaines en bois ont beaucoup d'allure) et des collines densément boisées en arrière-plan.

Un grand pont sur l'océan et nous y voilà. Rien de particulier ici non plus. Les hôtesses au sol sont francophones, nous accordent les sièges près de l'allée qu'on demande, enregistrent, nous appellent après un peu d'attente (difficile pour Yvette qui multiplie les allers et venues vers les toilettes) pour monter dans une navette ferroviaire automatique, puis dans l'avion, un 777 comme à l'aller: la place est toujours chichement mesurée, mais l'écran vidéo est là, outil majeur - en français, c'est plus facile - pour occuper la douzaine d'heures à venir. En passagers de la vieille génération que nous sommes, nous faisons aussi une razzia de journaux et magazines français.

Des heures durant, Yvette multiplie les séjours aux toilettes, rejetant toujours la moindre goutte d'eau, et révulsée à l'idée même de manger. Les navigantes remarquent son manège et viennent l'une après l'autre s'enquérir de ce qui ne va pas et proposer leurs services : eau, médicaments, recherche vaine de médecin. Elles envisagent même de nous faire atterrir d'urgence... alors que nous sommes à la longitude d'Oulan Bator, à la limite de la mer de Kara, et qu'il n'y a sans doute guère d'endroit aussi peu équipé au monde. Et puis, le temps passant, Yvette se sent un (tout petit) peu mieux et on patiente, sans rien voir des paysages survolés, jusqu'à Charles de Gaulle. Mais nous avons apprécié d'être entourés ainsi ; finalement lachef de cabine nous retient un fauteuil roulant avec une accompagnatrice pour le transfert de l'avion au train.

CDG : initiales bien connues qui s'incarnent dans une bâtisse immense dont on ne voit rien, que des halls, des couloirs, des escalators interminables et non décorés, des tapis roulants et une navette ferroviaire, sans une boutique et avec de rares passagers.
Le fauteuil et son pilote (une jeune Antillaise souriante) sont plus qu'utiles pour qu'Yvette ne s'épuise pas dans ce périple interminable, et tout se passe bien, les sacs sont récupérés cette fois-ci sans problème, les billets aussi (à deux minutes près, on pouvait prendre le TGV précédent).


Mais que cette gare est tristounette, peu accueillante, mal entretenue, comme toute l'aérogare : le Japon ne nous serait-il pas un peu supérieur en la matière?

Même question quand arrive le TGV : notre fleuron technique n'a pas un aspect aussi léché que le Nozomi super express, et les tableaux électroniques en plusieurs langues manquent, mais le confort est bien comparable, et la vitesse supérieure. Et il nous emporte dans la nuit à travers l'Ile de France, la Bourgogne, pour arriver à 21 h à la Part-Dieu où nous attendent Vivi et Domi.

Voilà, c'est fini, avec le souci de la santé d'Yvette qui va être la priorité immédiate, mais aussi avec des images et des souvenirs riches à digérer...

dimanche 13 septembre 2009

Voir le Japon... # 14

Dimanche 13 septembre : jour ultime

Cette nuit a été bien pénible pour Yvette qui a multiplié les séjours aux toilettes et se réveille épuisée, avec la seule envie de se reposer et de ne surtout rien manger. Malgré le beau temps revenu, elle n'envisage pas de sortir et nous attendra sagement au ryokan.

Comme nous allons très loin du centre nous déclinons la proposition de Manou de prendre des vélos : les transports en commun seront moins fatigants.

Après un long trajet, nous parvenons au Kinkaku Ji, site du justement célèbre Pavillon d'or. Contrairement au Pavillon d'argent dont il a à peu près la taille, celui-ci a bien reçu sa couverture finale et brille dans le soleil, dominant une belle pièce d'eau couverte de nénuphars et entourée d'un jardin de mousse. Le spectacle est sans conteste l'un des plus beaux qu'il nous ait été donné de voir pendant notre séjour et nous multiplions les photos, quand la foule qui se presse le permet.


Plus encore que dans les autres sites, les adultes mais surtout les écoliers en uniforme (pourtant, nous sommes dimanche et rien ne les oblige à revêtir leur « tenue de travail ») sont extrêmement nombreux, admirant et prenant force clichés, avec d'énormes réflex comme Manou ou avec leurs téléphones portables.

Plus loin nous attend le Ryoan Ji au jardin zen célébrissime, une quinzaine de rochers étant disposés de façon à ne jamais être visibles en même temps. Manou est très déçue de ne pas retouver l'atmosphère de méditation qu'elle aimait : des travaux de rénovation ont nécessité un échafaudage provisoire qui réduit la terrasse et les marches, et modifie considérablement la perspective.

Un tramway minuscule nous emmène au restaurant d'abord, puis vers un autre temple qui expose une magnifique collection de statues en bois de 10 siècles ou davantage : bouddhas, divinités redoutables, Kannon... toute d'une grande finesse et dans un excellent état de conservation. Nous grimpons ensuite quelque temps à travers le parc jusqu'à une belle bambouseraie, aux troncs verts si serrés que leur frottement provoqué par le vent émettrait un bruit continuel... Pas convaincant.

Notre chemin descend ensuite dans la verdure, vers une rivière transformée par un barrage en plan d'eau sur lequel des familles rament paisiblement. En aval, des pêcheurs, de l'eau jusqu'aux épaules, rassemblent lentement de grands filets pour une maigre récolte. C'est ici le quartier d'Arishama, apparemment lieu de détente très couru.


Et c'est presque fini. Il nous reste encore à repasser par les galeries proches de Shigo-Kawamachi que Manou et Stéphane ne connaissent pas, et à rentrer à l'hôtel pour 17 h 30, le temps d. etrouver Yvette qui n'arrive toujours pas à manger et à garder le moindre verre d'eau. Faut-il rentrer ou aller à l'hôpital à Tokyo ? Manou préfèrerait Tokyo. Nous en discutons et choisissons le retour en pays connu. Le temps surtout pour les jeunes de refermer leurs valises et retourner à la gare où les attend le Nozomi super express. Je les accompagne et leur redis toute la joie que nous avons eue de les voir et toute la reconnaissance que nous avons pour la gentillesse de leur accueil et la façon dont ils se sont mis en quatre pour organiser notre séjour. Et à bientôt, en décembre!

samedi 12 septembre 2009

Voir le Japon... # 13

Samedi 12 septembre : de temples en jardins

Les « enfants » sont bien là et nous avons rendez-vous dès 8 h 15 au petit déjeuner: Manou ne veut pas perdre une miette de son week-end, d'autant plus qu'elle est peu venue à Kyoto jusqu'à maintenant, contrairement à Stéphane qui y a depuis longtemps ses habitudes... et sera donc pour les deux jours qui viennent un guide informé, et compétent. Le temps est moins qu'engageant, les averses, lourdes, se succèdent. Mais comme des parapluies en plastique, résistant au vent en principe, sont à notre disposition à l'hôtel, et que d'autre part nous sommes tout de même venus pour visiter, il faut y aller. Un bus nous amène à la gare routière, au nord du »monstre », et là nous avons toutes les peines du monde à trouver le suivant, pourtant indiqué sur le plan. Tout le japonais de Stéphane ne nous permet que de piétiner, de tourner en rond, en interrogeant notamment deux fois le même employé. Enfin surgit l'explication : la ligne décrit deux boucles, l'une au nord et l'autre au sud de la gare, mais celle du sud est beaucoup moins desservie.

Toutes ces péripéties ne nous empêchent pas d'arriver au temple Tofuku Ji, après une petite marche. C'est un grand ensemble de bâtiments, dispersés dans un parc coupé par un vallon arboré que traversent de pittoresques passerelles couvertes en bois. Trois billets différents sont nécessaires pour visiter l'ensemble : rien n'est perdu pour nos bons moines. Le parc est, naturellement, très soigné ; il paraît qu'à l'automne il est sublime, et déjà certains des érables aux feuilles très découpées commencent à rosir. La visite se fait pour l'essentiel en chaussettes, pour découvrir des salles bien décorées et surtout des jardins zen renommés où quelques rochers sont savamment disposés au milieu de vagues de sable; ainsi l'un d'eux, aux longues vagues longitudinales, figure la vanité.


Le repas est pris, après quelques recherches, dans un resto voisin, puis nous tentons de visiter un musée tout proche en vain (il est justement fermé), mais cela nous permet de nous abriter d'une violente et brutale averse. A la première accalmie, nous nous dirigeons vers le Sanjusangen Do, une immense bâtisse de 120 mètres de long abritant une incroyable armée : 1000 répliques quasi identiques, en bois doré vieux de plusieurs siècles, de la déesse Kannon aux six bras armés de lames, de poignards ou de haches... Au milieu trône une statue plus grande, et devant cette multitude impeccablement rangée sont disposées des statues grises de divinités diverses se contorsionnant et grimaçant de colère afin de les protéger.

Un nouveau bus nous ramène vers le quartier Maruyama, aux petites ruelles charmantes et tranquilles, aux boutiques de qualité; nous fuyons la pluie dans un petit salon de thé flanqué d'un adorable jardin avec érables nains, pins taillés avec minutie, cascade, bassin à cyprins et lanternes (ce salon est l'un des repaires habituels de Stéphane).La pluie se calmant à nouveau, nous retentons la visite du jardin du Haien Ji, où nous avons trouvé hier porte close.


Nous y parvenons juste avons l'heure limite et le parcourons rapidement dans l'averse et le brouillard,déambulant dans les flaques. Au milieu de parterres délicatement arrangés s'étendent de véritables lacs en partie couverts de nénuphars et traversés de passerelles où l'on aimerait s'arrêter et rêver, ainsi que dans les balcons qui sont aménagés au long du parcours. Par beau temps, ce doit être enchanteur.
Mais la pluie nous chasse. Nous nous dirigeons vers Ponto Cho, où la foule est tellement dense qu'on y avance avec peine. Nous aimerions bien manger dans l'un des restaurants, en terrasse sur la rivière, à plusieurs étages superposés, mais le vent et la pluie qui revient régulièrement nous en dissuadent, comme d'ailleurs ils ont en dissuadé tout le monde.

C'est donc un restaurant très moderne et d'atmosphère assez passe-partout qui nous accueille. C'est un yakumaki, un restaurant de viande grillée. Nous nous asseyons sur des sièges surbaissés autour d'une table de pierre dans laquelle sont encastrés des barbecues à gaz surmontés d'une hotte. Les serveurs, gentils mais pas très performants, sont reliés par radio à la direction et nous apportent d'abord des salades, puis des légumes, des viandes (carpaccio, dés et abats de boeuf) que nous faisons griller pendant 1 h 30 environ et faisons suivre d'une glace.

Stéphane en profite pour parfumer ses chaussettes trempées...


Seul problème : Yvette se sent de moins en moins bien et, après avoir mangé, rejette tout son repas ; pas question donc de nous promener davantage et les « enfants » nous quittent pour finir leur soirée de leur côté tandis que nous rentrons rapidement à l'hôtel.

vendredi 11 septembre 2009

Voir le Japon... # 12

Vendredi 11 septembre : philosophons....

Il nous faudra encore quelques siècles au moins pour nous habituer au futon... Le réveil en est facilité et nous sommes assez tôt au petit déjeuner.

Ce matin, nous commencerons par le Ni Jo Jo, un ancien palais shogunal (le shogun était le chef militaire qui très longtemps a détenu la réalité du pouvoir dont l'empereur ne conservait que les apparences), pas très loin du centre ville, mais assez cependant pour prendre le bus qui suit de larges avenues et traverse deux rivières (les branches du Y qui traverse la ville) aux berges aménagées et fleuries. Le palais, où fourmillent les touristes, est entouré de douves qu'on franchit par un pont pour entrer dans une large enceinte carrée, par une porte à l'allure chinoise, et pour se retrouver devant un grand pavillon à la toiture dorée, ou plutôt trois pavillons accolés qu'on ne peut visiter qu'après s'être déchaussés.
A l'intérieur, le long des murs court un couloir éclairé par des fenêtres en papier : les pièces à vivre ou de réception sont de l'autre côté, isolées de l'extérieur, et souvent modulables. Les murs sont décorés à la peinture d'or, montrant des arbres mille fois répétés (cèdres, cerisiers, pins...), les plafonds sont constitués de carrés de bois tendus de papier ou de tissu rouges. Quant au sol, il est parqueté; on trouve en particulier le fameux « parquet rossignol » dont les grincements harmonieux, voulus, avaient pour but d'alerter de l'approche de conspirateurs : c'est une volière entière qui semble s'envoler des pieds des visiteurs. Les pièces ne sont pas meublées, mais dans certaines sont reconstituées des scènes de l'ancien temps, avec figurants en costumes - en cire.

A l'extérieur s'étendent plusieurs jardins, avec pièces d'eau, dont l'un nous semble largement, surcoté par le guide qui lui attribue trois étoiles. Nous y flânons un bon moment.


Sur le chemin du retour, nous descendons du bus à Ponto Cho, l'un des quartiers de Tokyo qu'il faut avoir connus dans l'animation du soir, mais c'est pour rechercher, dans cette zone de boutiques et de grands magasins, les galeries couvertes recommandées par le guide: Teramachi et Shinkyogoku, espaces ordonnés foisonnant de produits divers et animés, coupés par une galerie transversale proposant poissons emballés et préparés, fruits souvent emballés à l'unité, boissons, épices et infusions, légumes et céréales, mélanges divers. Nous y grignotons en guise de repas des brochettes de tofu grillé, spécialité rare.

Après la sieste d'Yvette il reste peu de temps avant la nuit : allons parcourir la « promenade de la philosophie » au nord-est, en commençant par le Kinkaku Ji ou Pavillon d'argent. Après une belle porte d'entrée bien restaurée, on est tout près dudit pavillon, dont la forme tranche avec celle des temples qui se succèdent sous nos yeux depuis quelques jours : c'est un simple cube, d'une dizaine de mètres ou un peu plus, surmonté d'un toit. La couverture d'argent qui devait éclairer les murs n'a jamais été posée, et de toute façon il est entouré d'échafaudages, en rénovation.

Tout autour se succèdent des jardins entretenus avec un soin maniaque : un tout petit jardin minéral tout d'abord, aux vagues de sables parallèles, et c'est donc le premier jardin zen que nous découvrons. Puis lui succède un parc dont les allées montent et descendent en longues courbes, entre des barrières de bambou derrière lesquelles s'étendent des parterres de mousse où pas un brin ne dépasse (sans aucun doute, les jardiniers travaillent ici aux ciseaux, sinon au rasoir!) ; elles franchissent un ruisseau qui se jette dans une petite pièce d'eau et finalement nous ramènent au point de départ.


Au bas du Kinkaku Ji commence la « Promenade de la philosophie » qui longe un canal ombragé au long duquel se succèdent d'impressionnantes villas, attirées par l'atmosphère de sérénité et le silence qui règnent. Imaginons un Socrate nippon devisant, entouré de ses disciples, au long de ces quelques kilomètres... Au bout d'un quart d'heure nous abandonnons cette promenade et nous jetons dans un bus pour aller voir un parc qui semble tout à fait remarquable et qui entoure, à quelque distance, le temple Haien Ji. Hélas, la nuit s'approche déjà et nous sommes refoulés.

Rentrer? Nous sommes tout près du quartier de Gion, l'une des attractions nocturnes de Kyoto : profitons-en. Des lanternes sourdes rouges éclairent à peine de magnifiques maisons de bois au milieu desquelles flânent de nombreux touristes, dont beaucoup d'étrangers. Les prix affichés ont visiblement été réévalués en fonction de la notoriété du quartier... A l'entrée du temple Heinan Ji se dresse un théâtre de 200 places où l'on peut en deux heures s'initier, ou plutôt aborder la découverte de pans essentiels de la culture japonaise : la cérémonie du thé, la confection de bouquets, la musique traditionnelle, le mime, le théâtre, la danse, et les marionnettes étonnantes : un court spectacle (avec traduction en anglais) nous raconte la triste histoire d'une malheureuse jeune fille représentée par une grande marionnette au costume rayé de rouge, manipulée par deux hommes qui dansent une sorte de ballet autour d'elle, mais presque invisibles sous leur costume et leur cagoule sombres ; son expression et sa gestuelle sont sidérantes.


Pour finir cette journée culturellement bien riche, et avant de retrouver Manou et Stéphane qui sont déjà dans le train pour nous rejoindre, nous allons nous repaître d'une énorme glace... et retournons doucement au Hiraïwa.

jeudi 10 septembre 2009

Voir le Japon... # 11

Jeudi 10 septembre : Nara

Bien que les futons soient minces, Yvette a dormi comme une souche, sans entendre les cris farouches d'une cliente au milieu de la nuit. C'est à l'hôtel principal que nous allons déjeuner, et on y a même des tartines, et du lait. Plusieurs des clients sont français, et à Kyoto, contrairement à Tokyo, nous entendrons souvent parler la langue de Molière (peut-être vaut-il mieux dire ici la langue de Claudel, puisqu'il a été ambassadeur à Tokyo?)

Nous allons visiter Nara qui fut la première capitale permanente du Japon au 8ème siècle. La gigantesque gare de Kyoto est à un bon kilomètre, et facilement repérable, d'autant que le plan de la ville est très simple : les rues se croisent presque toujours à angle droit, résultat, paraît-il, de l'influence chinoise. Le train n'est pas le Shinkansen ! Bien que baptisé express il met 45 minutes pour parcourir 45 kilomètres. A la gare de Nara, une hôtesse de l'office de tourisme nous concocte un itinéraire en précisant les bus à emprunter, et en route vers Nara Goen, à l'est, où se regroupent les temples. Le bus qui nous y conduit est une antiquité en grande partie en bois, mais qui roule encore fort bien.

Dès que nous atteignons Nara Goen, surprise : qu'est-ce que ce peut bien être, cette bête, ces bêtes plutôt qui se mêlent aux visiteurs? Ce sont des daims, qui vivent en toute liberté dans le parc, et en sortent même pour aller en ville à l'occasion. Ils sont plus de 1200, extrêmement familiers, quémandant à manger, allant jusqu'à saisir le sac d'une touriste ou attraper ce qu'elle tient en main. Les vieux mâles ont les bois coupés, sans doute pour éviter qu'ils ne deviennent dangereux, et des baraques vendent en sachets des sortes de galettes spéciales pour les nourrir. Après cet intermède bucolique, repartons à la découverte des temples.

Le premier est le Todai Ji, dans lequel on entre par l'extraordinaire porte du sud, de 25 mètres de haut, soutenue par 18 piliers, construite au 8ème siècle; elle est encadrée de deux divinités grimaçantes du 13ème siècle, de 8 mètres environ, malheureusement protégées, comme souvent, par un grillage. Après être passés devant une lanterne en bronze de haute taille, nous arrivons à un bâtiment immense : ce serait la plus grande structure en bois du monde, le Daibatsu Den, qui abrite ce qui est sans doute l'un des plus grands bronzes du monde, et en tout cas le plus imposant du Japon : une statue du Bouddha de 437 tonnes, nettement plus grande que celle de Kamakura, et coulée en 751.

D'autres grandes statues l'entourent, mais les photos sont interdites. Dommage!


Un peu plus loin dans le parc se dresse le sanctuaire shintoïste Kasugo Taisha, qui retient l'attention surtout par l'incroyable collection de lanternes, en pierre surtout mais aussi en bronze qui

bordent sur des centaines de mètres les différentes allées y conduisant ; elles sont des milliers, de deux mètres de haut environ, et à l'intérieur on trouve encore quantité de lanternes en bois ou en bronze.

Revenant vers le centre-ville et négligeant le musée, nous arrivons au temple Kofuko Ji, à la limite du parc. La plupart de ses 175 bâtiments ont été détruits (des archéologues sont au travail, dégageant adroitement les vestiges des bâtiments disparus), et il reste cependant un fort joli petit pavillon et une très belle pagode à 5 étages, 6 fois reconstruite.

Un autre bâtiment abrite le Musée des trésors nationaux, qui renferme une extraordinaire collection de dizaine de statues, généralement en bois mais aussi en bronze, âgées de 8 à 13 siècles.

La plus belle pièce, une divinité à 6 bras qui illustre tous les prospectus, est absente, mais une étrange figure, flanquée d'une vingtaine de bras armés, domine les autres de ses 8 à 10 mètres.

En contrebas de la pagode s'étend un lac dans lequel nagent de nombreuses tortues et au-delà commence un quartier pittoresque, Nara Machi, fait de maisons basses en bois qui s'alignent au long des rues et offrent bibelots, salons de thé, échoppes... La plupart sont fermées.


Nous revenons en flânant à la gare de Nara, où nous reprenons notre express comme la nuit s'abat.

Quarante-cinq minutes plus tard nous sommes à Kyoto, profitant bientôt de la chaleur du bain japonais avant une courte veillée lecture.

mercredi 9 septembre 2009

Voir le Japon... # 10

Mercredi 9 septembre : à nous Kyoto!

Aujourd'hui, le petit déjeuner est pris avec Manou et Stéphane, qui nous donnent les dernières consignes et les horaires avant de s'éclipser pour leur travail.
Le temps de raccommoder un pantalon et de boucler les valises, et en route pour Ookayama une dernière fois, puis pour Shinagawa, grande gare d'interconnection où nous nous repérons sans peine grâce aux indications données. Voilà nos billets (25 000 yens, soit pas loin de 200 euros, pour les 420 km, pas donné!), et voici le Nozomi super express, très beau train bleu et blanc confortable et silencieux, avec 5 sièges de front très inclinables... et de la place pour les jambes ; une hôtesse, tailleur et chapeau rond bleu clair, parcourt régulièrement les wagons en se retournant, à chaque fois qu'elle sort, vers l'intérieur avec une révérence.

On ne se perdra pas : les annonces en anglais sont faites au haut-parleur et sur un tableau lumineux, et on peut donc profiter du paysage. La ville est d'abord très dense : c'est Yokohama et ses 5 millions d'habitants (pas mal pour une ville de banlieue!). Puis les maisons se desserrent et rapetissent, formant de gros villages qui laissent entre eux quelques espaces occupés par des rizières, des serres, des éoliennes ou des zones boisées. Parfois on a une rapide échappée vers le Pacifique. Nous délaissons la voiture-restaurant pour manger un bento et un fruit. Au bout d'une heure, nous traversons une grosse agglomération, entourée de zones industrielles et lovée autour d'une baie parsemée d'ilôts : c'est Nagoya, patrie de Toyota et troisième ville du Japon. Puis c'est la région du Kansaï qui commence, sans changement notable dans les paysages.

A 14 heures le train s'immobilise dans une gare démente, un bâtiment de 800 mètres de long sur 300 de large, d'une dizaine d'étages, incluant grands magasins et bureaux (ou habitations, peut-être) dans lequel les trains circulent sur deux niveaux... un monstre de béton, mais pas si laid que cela, avec ses flancs en partie recouverts de verre, et son hall démesuré avec sa charpente métallique complexe. Sa construction a fait polémique voici quelques années, et cela se comprend. Il faut d'abord trouver la sortie, ou plutôt, auparavant, trouver l'office de tourisme.
Stéphane nous a bien prévenus : l'ascenseur pour y accéder, au 9ème étage, est situé à l'intérieur d'un magasin, et effectivement après de longues recherches nous finissons par l'y trouver. C'est en prenant cet ascenseur que, pour la première fois de notre séjour, quelqu'un nous passe grossièrement devant ; la civilisation se perdrait-elle? Rassurons-nous, car bien sûr c'était un étranger, européen ou australien peut-être. Muni de nos prospectus, de nos passes pour le bus et des conseils de l'hôtesse, nous débouchons devant la gare où bus et taxis s'ordonnent, devant de longues files d'attente.
Tout près, en face, se dressent les 134 mètres de la tour de Kyoto, cylindre vertical avec un renflement près du sommet, à laquelle la modernité de la gare a donné un incontestable coup de vieux.

L'hôtel Hiraïwa n'est pas très loin, et nous sommes reçus par le sourire de la patronne, à la cinquantaine active, qui nous installe à une trentaine de mètres à l'annexe, un étroit bâtiment dont notre chambre occupe toute la largeur. Cet hôtel est en fait un ryokan, et nous y retrouvons tatamis et futons, ainsi qu'un bain japonais inspiré de l'onsen. Dans la chambre, pas de lavabo ; seulement une table basse, sur laquelle nous attend un plateau à thé avec son thermos d'eau chaude, et un petit poste de télé dont la table est le seul rangement visible. La fenêtre est fermée de multiples panneaux coulissants.
Notre installation est donc vite faite, mais déjà voici un appel de Manou qui nous incite vivement à foncer voir un des temples les plus connus de Kyoto, le Kyomisu Dera. Eh bien soit ! Le temps de se repérer sur le plan, de trouver le bon bus au bon arrêt, de se tromper d'arrêt en descendant, et nous y sommes... En fait nous avons dû traverser à pied la rivière toute proche, bordée d'une promenade très fréquentée, largement envahie de roseaux dans lesquels on aperçoit grands hérons, cormorans et même rapaces ; sur le rive ouest se succèdent d'immenses restaurants à terrasses de plusieurs étages, vides à cette heure-ci.

Et le Kyomisu Dera?


C'est un ensemble de bâtiments (en bois bien sûr) supportés par d'énormes charpentes, accrochés au milieu des arbres le long de la pente et dominant la ville. Deux des principales bâtisses sont prolongées par une grande terrasse, dont l'une, haute de 13 mètres, a, outre une belle vue, une étrange spécialité : qui peut en sauter et ne pas se tuer verra ses voeux exaucés... Ce sont plus de 230 personnes qui ont tenté ainsi le sort, dont un certain nombre n'ont pas réchappé.

Entre ces deux constructions, en contrebas, une foule importante, de jeunes surtout, se presse auprès d'une fontaine, puisant l'eau dans d'immenses louches et la buvant intensément. Renseignements pris, il ne s'agit pas d'un rituel de purification, mais d'un rite pour obtenir... le succès aux examens. Yvette, qui a sûrement des projets de reprise d'études en tête, prend place dans la file et s'amuse de voir que les louches sont systématiquement stérilisées avant d'être passées aux suivants.

Pendant la visite, le soleil boucle sa carrière, en éclairant joliment la ville à nos pieds, en jouant avec les temples, prétexte à de nombreuses photos. C'était en effet une bonne idée d'être là à ce moment. Mais la nuit tombe rapidement et nous rentrons, jetant des regards rapides vers les artisans
poterie, éventails, menus souvenirs, le choix est large, la qualité bonne semble-t-il. Nous achetons dans une boutique de quoi grignoter, et retour au ryokan. Plus tard, après avoir revêtu nos yukatas, fait honneur au bain japonais (un cuveau en inox de 200 litres bien chaud, cf onsen) nous déroulons nos futons en Japonais confirmés...

mardi 8 septembre 2009

Voir le Japon... # 9

Mardi 8 septembre : vieux temples et Bouddha géant

Après une nuit tranquille, Yvette n'a pas trop de fièvre, mais elle restera à se reposer, comme prévu. Elle commence sa journée de repos par une longue séance de repassage des chemises de Stéphane...

Pour aller à Kamakura, il suffit de prendre le métro, plusieurs métros en fait. Mais il ne faut pas s'inquiéter, tous les chemins mènent à Kamakura...: bien qu'étant parti dans la mauvaise direction dès le début, j'ai pu trouver un autre système de correspondances efficace. Il faut traverser Yokohama, dont le quartier chinois et le port justifieront une visite... dans une autre vie sans doute. Ensuite, on parcourt des ensembles de maisons légères séparés par quelques zones de cultures. Puis on arrive à la gare de Kitakamakura, aux limites de la ville entourée de collines qui, malgré sa relativement faible population (170 000 habitants), abrite des dizaines de temples, lesquels renferment de nombreuses merveilles inscrites au Patrimoine mondial. Sur le guide, c'est une voie lactée d'étoiles!


On monte tout d'abord vers l'Engaku Ji, très étendu, aux constructions d'aspect chinois (il ne faut pas oublier que c'est de Chine qu'est arrivé le bouddhisme, au 7ème siècle, et que certains temples datent de cette époque; mais attention, il ne reste souvent plus rien de la construction d'origine, car des rénovations successives ont vu remplacer pièce après pièce même les plus grosses charpentes, sous les doigts habiles d'ouvriers se transmettant oralement depuis des siècles méthodes de travail et secrets de fabrication). Un solide bâti supporte une cloche du 13ème siècle (Patrimoine mondial, comme une dizaine d'autres cloches d'autres temples de la ville) et la lourde masse horizontale qu'il suffit de pousser pour « sonner ». Derrière s'étend un cimetière important, accroché à la pente.

Un peu plus loin, on monte (on monte toujours ou presque pour entrer dans un temple!) au Tokeï Ji. Plus petit, moins impressionnant, il servait autrefois de refuge aux femmes qui voulaient divorcer et auxquelles il suffisait de rester un certain temps pour se trouver libérées de leurs époux.
Puis c'est le Kencho Ji, très chinois lui aussi, avec lui aussi sa cloche du 13ème siècle. Puis en approchant du centre ville on longe d'autres temples et on traverse un parc dans lequel deux petits lacs recouverts de lotus en montrent quelques fleurs attardées.

Il faut prendre un minuscule tramway (une seule voiture) pour atteindre une autre zone tout aussi riche, et tout d'abord le Hase Dera, entouré de nombreuses statues, dont une multitude collées les unes aux autres, et devant lequel s'étend une terrasse d'où l'on contemple, par-dessus les toits des vieilles maisons, les eaux de la baie, du Pacifique. Encore un peu de marche et l'on débouche au Daihatsu : un Bouddha de bronze trône en plein air, dominant, écrasant les visiteurs de ses 11,40 mètres de haut et de ses 124 tonnes de bronze. Construit au 13ème lui aussi, il est évidemment inscrit au Patrimoine mondial.


Il faut penser à reprendre le tramway, le train, le métro - et recharger le passe, une fois de plus. La nuit est tombée quand je retrouve tout le monde. Après un repas léger, on commence à remplir les valises, car demain nous changeons d'hôtel, direction Kyoto, la ville aux 1600 temples et aux 400 sanctuaires.

lundi 7 septembre 2009

Voir le Japon... # 8

Lundi 7 septembre : le train-train

Au réveil, Yvette n'est pas trop bien, mais pas au point de ne pas entamer le repassage des chemises de Stéphane, avec le fer à repasser sans fil que celui-ci vient d'acheter. Ensuite, nous voyons Manou revenir de son cours de japonais avec un questionnement importantissime: comment doit-elle poursuivre son apprentissage, seule ou non, avec comme objectif le test de premier ou de deuxième niveau en décembre ? Bien sûr, après réflexion, elle choisira l'objectif le plus élevé.

En ce qui nous concerne, nos fonds sont en baisse, et il faut s'enquérir d'un distributeur de billets, ici appelé ATM, pour les remonter. Dans la rue qui mène vers la station de métro, rien ne ressemble à nos distributeurs européens, sauf ce qui s'avère être un guichet de loterie. Il y a bien une banque, à l'intérieur de laquelle est alignée toute une série de guichets automatiques, mais malgré les panonceaux Visa affichés, rien ne se passe. Nos rudiments d'anglais nous permettent d'interpeller une employée et son chef qui finalement nous envoient à la poste proche. Là, victoire, ça marche : il suffit de taper withdrawal et les billets sortent.

Après un repas léger qu'Yvette ne garde pas, je pars finalement seul vers Omotesando. D'abord, visite d'un autre parc, avec roseraies, grandes pelouses, corbeaux croassant dans les arbres, le tout dominé par certains des plus hauts bâtiments de Tokyo. Puis promenade dans le quartier, tandis que la nuit tombe, que la foule de jeunes déambulant grossit et que s'allument les façades tarabiscotées des boutiques les plus en vue. Un arrêt à l'Oriental Bazaar ne permet pas de retrouver des bols identiques à ceux apportés naguère par Stéphane, mais de contempler de la vaisselle de qualité à prix raisonnable et d'acheter de belles cartes postales, si rares dans ce pays.


Le repos n'a pas guéri Yvette qui a beaucoup de fièvre. Elle décide d'utiliser Skype pour joindre son médecin de Caluire, ce qui se fait sans difficulté, pour une consultation à 13 000 kilomètres; il conseille de voir un médecin local si ça ne va pas mieux. Cela signifie pour l'instant qu'elle va rester au repos demain et que je devrais partir seul visiter Kamakura, petite ville à une quarantaine de kilomètres qui recèle de magnifiques temples.

dimanche 6 septembre 2009

Voir le Japon... # 7

Dimanche 6 septembre : l'art dans le pré

Pas terrible, la nuit sur le futon! C'est bien mince et on se retourne beaucoup pendant de longues heures. Dès huit heures les jeunes sont à nouveau dans l'onsen, dont ils remontent tout humides pour le petit déjeuner.

Evidemment, ni biscottes ni brioches, mais un nouveau repas à la japonaise, avec riz, poisson et nombreuses substances étranges, gluantes ou filiformes. Puis, les bagages refaits et confiés à la réception, nous prenons le temps de découvrir le jardin, d'un demi-hectare peut-être, qui occupe un vallon sous nos fenêtres : une herbe tondue très ras, sous des arbustes souvent taillés avec précision et des arbres plus grands, pas une feuille sur les allées qui serpentent et conduisent vers une petite pièce d'eau où comme il se doit s'agitent d'énormes cyprins blanc, rouges, jaunes ou tachetés (leur taille témoigne de la prospérité de la maison, c'est pourquoi ils sont si gros). Manou et Stéphane multiplient les prises de vues, les poses, à la recherche de l'angle et de la lumière les plus favorables, avec leur gros réflex numérique ultra-performant, un joujou tout récent mais qu'ils envisagent déjà de remplacer par un plus perfectionné encore.


Plus haut dans la vallée, à Chokoku no mori, plusieurs musées ont ouvert, ainsi un musée Lalique et un musée d'art moderne en plein air. C'est celui-ci qui nous motive ce matin et donc nous prenons un petit train qui se hisse au prix de plusieurs épingles à cheveux jusqu'à proximité de l'entrée.

Sur plusieurs hectares engazonnés, légèrement inclinés, sont disposés de nombreux bronzes, dont un Balzac hiératique de Rodin, un Mayol plantureux, un Bourdelle, de nombreuses oeuvres d' Henry Moore, ainsi que des compositions non-figuratives. Dans un cadre semblable, impossible de ne pas apprécier la sculpture et nous pouvons déambuler tranquillement d'une oeuvre à l'autre, cherchant le bon angle pour nos photos. Au bas de la pelouse se dresse une tour ronde d'une douzaine de mètres de haut, oeuvre d'un artiste français. C'est de l'intérieur qu'il faut la découvrir : tout entière de vitrail de béton, la lumière donne vie à une foule de personnages et d'animaux, de formes diverses, aux chaudes couleurs, qu'on découvre en gravissant ou en redescendant un double escalier en colimaçon.


Un peu plus loin, au-delà de la boutique, s'élève le pavillon Picasso, qui propose surtout un certain nombre de céramiques de l'artiste, et quelques études.

Un bento plus tard, nous reprenons le bus pour Moto Hakone; en l'attendant nous avons la surprise d'être interpellés d'un « Où voulez-vous aller? » prononcé sans accent par un retraité japonais qui a longtemps travaillé à Paris et est tout heureux de nous parler. Enfin un Japonais francophone!

De Moto Hakone dévale vers l'est la voie du Tokkaïdo, itinéraire autrefois obligatoire pour relier Kyoto à Edo (Tokyo), piste mal pavée qui traverse la forêt et que Manou et Stéphane veulent emprunter. A plus ! De notre côté, nous allons flâner au bord du lac, cheminant sur une allée pavée qui serpente sous des arbres de haute taille, regardant glisser sur le lac tout bleu ferries, bateaux pirates et d'étranges pédalos en forme de cygnes géants... Un torii planté au bord de l'eau marque un accès à un grand temple peint en rouge vif, le sanctuaire Hakone Gongen, qui éparpille ses bâtiments et ses oratoires dans la pente, entre des troncs souvent énormes dont certains sont eux-mêmes objets de dévotion.

Le retour à Hakone est bien lent, car nous vivons ce soir notre premier embouteillage japonais. Les jeunes sont arrivés depuis peu après n'avoir fait qu'une partie du trajet à pied, et terminé en car. Mais ils ont négocié avec la direction de l'hôtel le droit de retourner goûter l'eau de l'onsen une dernière fois, et nous nous y précipitons donc avant de reprendre le chemin de la gare. Revenus vers 21 h à Ookayama, nous évitons soigneusement tout ce qui ressemble à du poisson et à du riz... Finalement, la cuisine japonaise, c'est bien, mais pas trop longtemps.

samedi 5 septembre 2009

Voir le Japon... # 6

Samedi 5 septembre : à nous la montagne

Pressons! Pas de grasse matinée ce matin : il faut être à Shinjuku (gare, évidemment immense, proche de la mairie) à 10 h 20. Les métros s'enchaînent impeccablement, et il nous reste juste le temps d' acquérir un bento pour midi et de nous installer dans un train blanc assez bas, superbement profilé et doté du nom évocateur de Romancecar, confortable, aux sièges réversibles. Après que Manou et Stéphane aient fait leur heure quotidienne de japonais, on peut se mettre face à face, discuter et manger nos bentos en jetant un oeil sur le paysage qui, après une interminable banlieue de maisons légères, petites, tassées les unes contre les autres, s'accidente et se couvre de forêts à la japonaise, hautes et sombres.

Nous voilà vers midi au chef-lieu de Hakone, petite ville tapie dans une vallée encaissée où dévale un torrent. L'hôtel est à quelques centaines de mètres, immense bâtisse récente au grand hall moqueté dont les grandes baies s'ouvrent sur un jardin et sa cascade. Les bagages déposés, nous retournons à la gare retrouver Yvette qui nous y attend et prendre le car pour remonter la vallée sur une trentaine de kilomètres, jusqu'à Moto Hakone, petite station balnéaire qui s'allonge au bord d'un splendide lac volcanique s'étendant sur plusieurs kilomètres entre les montagnes tour à tour boisées et herbeuses, le lac Ashi.


Comme nous arrivons près du bord s'approche, venant du bout du lac, un curieux bateau, sorte de grand trois-mâts... à moteur, équipé de canons et de voiles factices, et portant d'avenantes figures de proue et les silhouettes menaçantes de pirates en carton-pâte. C'est le vaisseau pirate, l'un des quatre, inspirés de l'univers de Disney, parcourant le lac, qui va nous emmener en vingt minutes, dans une agréable animation familiale à la japonaise, sage et mesurée, à l'autre extrémité. Sur la berge se succèdent golfs, hôtels, temples précédés d'immenses toriis... et à mi-parcours voilà qu'on distingue, légèrement masqué par les nuages, le sommet du Fuji-San dont les 3778 m se dressent à quelque distance. Au débarquement, changement de mode de transport : c'est un télécabine de 12 places qui nous emporte quelques centaines de mètres plus haut.

Des odeurs pas très agréables, des fumées qui dépassent de la forêt, laquelle tandis que nous avançons laisse place à une zone rocheuse, dénuée de toute végétation, d'où s'élèvent de hautes colonnes de vapeurs malodorantes... qu'est-ce? Nous débarquons au bas d'une étendue qu'une longue colonne de touristes remonte en rangs serrés, jusqu'à l'endroit où les fumerolles sont les plus denses, jaillissant un peu partout de la roche nue. C'est le volcan Soûn. Un bassin naturel est rempli d'une eau quasi bouillante, et plus loin un autre, près duquel une silhouette fantômatique fend le brouillard pour y plonger et en retirer des caisses métalliques à claire-voie. Ce sont des oeufs, qui ressortent de l'eau cuits durs et noircis par le soufre de l'eau: une tradition veut qu'en consommer un donne l'assurance de vivre sept ans de plus. Alors, bien sûr, nous sacrifions à la tradition... mais pas plus d'un oeuf chacun, il n'est pas question d'atteindre ici à l'immortalité! La foule est telle, et la demande si nombreuse, qu'un petit téléphérique a été installé pour convoyer les caisses d'oeufs jusqu'aux bassins.


Un autre télécabine, bientôt relayé par un funiculaire (en anglais, rope-way et cable-way) nous redescend vers la vallée, vers un autre quartier de Hakone, Gora, qui offre, outre des magasins d'artisanat en bois (spécialité locale : les boîtes à secret), un hôtel du début du siècle, vieux palace qui a vu passer d'immenses célébrités : Einstein, Chaplin... Dans ses vieux salons officient des photographes de mode, et un buffet a été dressé dans le jardin méticuleusement entretenu, près d'un moulin à eau alimenté par une cascade.

Finalement, c'est en car que nous redescendons au chef-lieu pour prendre possession de nos chambres.

La classe! Imaginez une pièce, au sol recouvert de tatamis, de quatre mètres sur cinq environ, meublée d'une table basse entourée de quatre sièges sans pieds (c'est à cette table que nous mangerons tous quatre tout à l'heure). De lits, point. A droite, une petite estrade longeant le mur supporte un grand bouquet dont les enfants nous apprennent l'importance symbolique et le respect qu'il faut y porter. Au-delà de la chambre, donnant sur le jardin, un salon-loggia de deux mètres de profondeur avec deux canapés en vis-à-vis.

En attendant, il nous reste à découvrir l'une des spécificités japonaises, qui se cache de l'autre côté du bâtiment, sous la conduite de Manou et Stéphane qui prennent des mines mystérieuses pour nous conduire, chacun de son côté, à l'onsen de l'hôtel.

Qu'est-ce donc? Représentons-nous d'abord une grande salle carrelée où l'on se débarrasse du yukata à l'immense ceinture et du reste des vêtements en ne gardant qu'une micro-serviette pour respecter la pudeur de chacun en dissimulant ce qu'on peut deviner. Plus loin est la salle de l'onsen proprement dit, un grand bassin, de vingt mètres de long peut-être, rempli d'eau à plus de quarante degrés, en grosses pierres grossièrement taillées. Tout autour, des postes de lavage : on s'assied sur un petit tabouret en bois et on se savonne consciencieusement, et on se rince longuement à l'aide d'une douchette et d'une bassine en bois, car il n'est pas question de souiller... l'eau du bain, dans lequel on va ensuite se glisser, prudemment et précautionneusement car c'est bien chaud. Il faut reprendre son souffle, se laisser envahir par la chaleur et chercher une installation confortable, puis goûter longuement la caresse de l'eau qui se renouvelle en permanence. Si ce bassin ne convient plus, on peut en explorer un autre, dans une grotte, ou un autre encore, à l'extérieur de l'hôtel, au milieu des arbres qu'on devine dans l'obscurité. Et finalement, détendus, ramollis par la chaleur, conquis par l'atmosphère et le calme qui s'installe (nous ne sommes que trois du côté des hommes) c'est presque à regret que nous sortons de l'eau pour renfiler le yukata, qui sera notre vêtement habituel à l'intérieur de l'hôtel, même pendant les repas.

Quel repas ! La table est couverte de pots, bols, cassolettes, plats chauds ou froids, boîtes laquées superposées, réchauds individuels à combustible solide, tout cela renfermant de multiples mets que nous sommes bien incapables de reconnaître. Mais heureusement Stéphane et Manou confirment qu'ils sont en train de devenir des experts en cuisine japonaise (ils pourront à leur retour éditer un guide des centaines de restaurants japonais de Paris) ; ils peuvent nous guider dans notre ignorance, nous protéger des sauces un peu trop piquantes ou nous donner l'ordre souhaitable des plats... Tout cela est servi par une toute jeune fille en kimono bleu, petite et brune, qui, mules ôtées à l'entrée, s'agenouille comme le veut l'étiquette traditionnelle avant de servir ou de repartir. Globalement, à part quelques algues qu'il nous faudra encore du temps pour apprécier, c'est bon, très bon, copieux et varié. Les baguettes ne sont pas encore notre ustensile préféré, mais tant bien que mal nous parvenons à saisir les morceaux de viande et à avaler le riz. Nous goûtons ainsi aux sushis, aux desserts sucrés à l'aide de haricots rouges... et tant d'autres choses... Le thé accompagne bien l'ensemble et la réserve de riz posée à côté de la table disparaît peu à peu. Le repas dure ainsi longtemps, jusqu'à neuf heures, car comment manger vite avec les seules baguettes?


Quand le repas est desservi, un garçon dresse rapidement le lit : il repousse la table et les chaises d'un côté, puis sort d'un placard deux futons, sur lesquels il ajuste une sorte de couette, dont la housse laisse sur le dessus une large ouverture ronde. Parés pour la nuit !

vendredi 4 septembre 2009

Voir le Japon... # 5

Vendredi 4 septembre : Tokyo des traditions et d'aujourd'hui

Au réveil, un souci : ayant perdu la clé de l'antivol de Stéphane, comment la remplacer? Dans toutes les boutiques avoisinantes, c'est sûrement facile. Facile? Il suffit de se faire comprendre, puis de comprendre les explications accompagnées de gestes, et de constater à chaque fois que ce n'est pas là, et peut-être bien finalement que ce n'est pas possible, pour une raison connue sans doute seulement d'une obscure déité du panthéon japonais. Donc chou blanc, et tant pis pour la clé...

Nous avons à nouveau rendez-vous avec Masa et Miyoko à Tochomae. Attention cette fois à respecter le quart d'heure japonais – c'est-à dire, contrairement à notre quart d'heure lyonnais qui plombe tous les débuts de réunion, le quart d'heure d'avance qu'il est indispensable de respecter, ce que nous ne savions pas avant-hier.. Mais à 12 h 35 nos guides sont déjà à s'inquiéter de l'autre couple prévu, avec raison toutefois puisque ceux-ci ne viendront pas. Comme l'autre fois, un train nous emmène vers l'est, et nous nous retrouvons à l'entrée du musée du sumo. Yvette profite du premier balèze rencontré pour faire une photo, puis nous découvrons, après une large fresque extérieure à la gloire du sumo, une étonnante exposition de tabliers de sumotoris brodés au fil d'or, des photos et des vidéos de combats historiques ou remarquables, mais plus de lutteur.

Tout près, nous pénétrons ensuite dans un petit parc, avec bien sûr son lac et ses carpes, ses lanternes de pierre, ses arbres, mais aussi des tortues ; comme la ville paraît loin aussitôt! Encore quelques pas et c'est un bâtiment moderne de six étages qui se dresse : le musée Edo Tokyo, musée historique. En redescendant les étages, nous découvrons maquettes, reconstitutions et vestiges de l'histoire longue et raffinée du pays. Une chaise à porteurs est prise d'assaut par les visiteurs pour la photo... Une pièce de Kabuki semble en cours... un pont enjambe une ville de bois... des plans, des photos, des objets domestiques se succèdent... et nous n'aurons vu qu'une bien petite partie du musée, avant de faire nos adieux définitifs à nos guides.




Sur le chemin du retour, il faut bien approcher ce qui, pour tout Européen, est une grande partie de l'essence du Japon : l'électronique grand public. Nous débarquons dans un quartier de petites boutiques semblables mais aussi de grands magasins, une sorte de souk high tech, où s'accumulent appareils photos, camescopes, chaînes hi-fi, téléphones, ordinateurs et tous les gadgets s'y rapportant, plus tous ceux qu'on a été incapables d'identifier...


Dans la cohue des trottoirs, des filles en mini-jupe et bas au-dessus des genoux, perchées sur des soques hautes, distribuent des prospectus.
Après un tour dans le quartier nous remontons dans le train (finalement, on ne se perd pas tant que ça) et retrouvons nos hôtes qui nous conduisent à petite distance de chez eux dans un restaurant encore plus minuscule que celui de la veille (dix places au plus) où nous mangeons, installés contre le bar, du poisson frit exquis cuisiné par un quasi-octogénaire. Là encore, Manou et Stéphane sont connus (et font briller leurs connaissances en japonais). Ils connaissent toutes les adresses de Tokyo ou quoi ?

Il n'est que temps, en rentrant à la maison, de parler du lendemain : nous allons quitter Tokyo pour faire un tour à la montagne, voir peut-être le Fuji-San et dormir dans un ryokan, une auberge traditionnelle, et tout ça devrait valoir le coup (sans compter le prix élevé de la demi-pension: 17 000 yens par personne, soit autour de 130 euros; ouf!).

jeudi 3 septembre 2009

Voir le Japon... # 4

Jeudi 3 septembre : hôpital et boutiques

Le réveil sonne bien tôt ce matin ! Nous devons aller à l'hôpital pour l'INR d'Yvette. Stéphane et Manou ont dû s'employer pour savoir où aller, et c'est en définitive le Tokyo Hospital qui occupe le même immeuble que la station de métro d'Ookayama, un immeuble récent de cinq ou six étages sur les murs duquel grimpent, en un vaste jardin suspendu, de nombreuses lianes.


L'intérieur est clair, avec des matériaux presque luxueux et de grands espaces. Derrière le comptoir à angle droit s'affairent une dizaine au moins de jeunes femmes toutes équipées d'un masque, serviables et attentives, dont une s'exprime bien en anglais. Après des explications complexes et la confection du dossier, elle nous accompagne jusqu'au couloir où attendre l'appel de notre numéro. La présence d'étrangers est apparemment incongrue, car tout à coup un médecin arrive et prétend nous envoyer à la clinique internationale, proche de l'ambassade, où se trouvent des médecins francophones. Il faut lui expliquer à nouveau qu'il ne s'agit que d'un dosage d'INR et de son interprétation, ce qui finit par le tranquilliser : on change de couloir, la prise de sang est effectuée, on va dans un troisième couloir rencontrer un autre médecin, et c'est enfin fini, sous réserve de payer et d'obtenir une traduction en anglais, à défaut de français, pour la facture.

La matinée tire déjà à sa fin, et Manou est venue nous retrouver et doit attendre. Avec elle nous explorons la rue voisine, essayons de retrouver nos marques d'Européens, ce qui n'est pas toujours facile. Les boutiques sont petites, avec peu de personnel, et nous peinons à reconnaître leurs produits. Et puis Manou pousse la porte d'un minuscule restaurant où elle a apparemment ses habitudes : du riz, du poisson (cru! mais oui!), des pousses de bambou, des coquilles St Jacques : pas si mal... on va finir par virer nippophiles, nous aussi. Manou et Stéphane le sont depuis longtemps.

La journée a déjà été assez fatigante pour Yvette, qui reste à se reposer lorsque Manou retourne au travail. Donc le mari va seul à l'aventure cet après-midi, vers tout d'abord le parc Meiji Jingu, à l'entrée duquel se dresse un immense Torii (le grand portail symbolique qui marque l'entrée des sanctuaires shintoïstes), et au-delà des arbres immenses créant une atmosphère quasi-crépusculaire, dans lesquels crient d'énormes corbeaux (voici peu, un de ces bestiaux a attaqué Manou, sans doute après avoir revu « Les oiseaux », et depuis elle redoute d'en rencontrer). Ce parc faisait partie lui aussi du domaine impérial, et en conserve un musée - fermé hélas... Un gymnase pour l'apprentissage des arts martiaux... une rivière avec pont de pierre et carpes colorées, de grandes pelouses avec étudiants étendus, et puis un grand temple (le mot immense vient trop souvent dans mon récit, il faut trouver d'autres termes!), tout en bois bien sûr, où se pressent les visiteurs qui accrochent leurs voeux et leurs prières autour des arbres de la cour. Tout près, voilà un surprenant amoncellement de pièces de bourgogne en chêne clair, de toutes les dernières années, témoignage d'une sorte de jumelage entre le vignoble français et le temple.


Un jardin aux allées courbes est là tout près, descendant vers des pièces d'eau et égayé d'abris en chaume. Mais la saison n'est pas propice, et le jardin des iris, comme celui des azalées, ont perdu depuis longtemps leur floraison... Dommage, le spectacle doit en valoir la peine, au printemps.

A la sortie du parc, on enjambe la ligne de métro et on retrouve la civilisation la plus moderne et la plus trépidante : l'avenue Omotesando Dori, sorte de Champs Elysées japonais, en moins large toutefois, où apparemment la jeunesse doit se faire voir, et défile et se croise dans un calme parfait, sans même faire de lèche-vitrine. Pourtant les boutiques, aux formes diverses, parfois temples grecs, parfois cylindres ou cubes de verre, parfois surplombant la rue, ont comme à Ginza voici deux jours des noms prestigieux, ceux qui symbolisent tout le luxe de l'Europe ou de l'Amérique. La foule passe et coule et déambule, si dense que la traversée au feu vert s'apparente à une sortie de stade ou à une manif. Les gens sont jeunes, toujours bien habillés, le plus souvent en noir mais parfois de façon excentrique (après avoir porté l'uniforme au lycée, les filles ont une brève période de révolte vestimentaire et capillaire, avant de rentrer dans le droit chemin de la coutume et d'une société bien conformiste).

Comme la nuit tombe vite ! Peu après cinq heures tout s'éclaire, et la nuit ramène les flâneurs au bercail. Manou montre à nouveau ses talents (omelette, pommes de terre, tofu...). Pendant le repas un appel via Skype nous parvient de Viviane, avec Domi en parallèle au téléphone, et nous retissons les fils, de l'Orient à l'Europe lointaine.

mercredi 2 septembre 2009

Voir le Japon... # 3

Mercredi 2 septembre : une vue d'ensemble

Au réveil, vers 9 heures, Manou et Stéphane sont déjà partis au boulot, laissant cette fois encore un mot gentil et une table toute mise. Après, direction Tochomae, ce qui veut dire se coltiner une fois de plus, d'abord, le métro et sa complexité. Mais ça va aller mieux grâce à une arme secrète : nous disposons maintenant de passes, des cartes rechargeables utilisables sur tous les réseaux, ce qui va nous libérer de toutes nos interrogations sur l'achat des billets et leur prix.

A Tochomae, on débouche dans une sorte de forum décoré de jardinets et de statues, enserré sous des voies de circulation surmontées d'immeubles dignes de Manhattan, dont les deux tours jumelles, de plus de 240 mètres de haut, qui hébergent la mairie, ou plutôt le gouvernorat de Tokyo. Un ascenseur nous hisse en une trentaine de secondes presque jusqu'au sommet, et nous nous retrouvons au 45ème étage, dans une sorte de haute rotonde très large, avec d'immenses baies de tous côtés permettant de nous faire une idée de ce qu'est la métropole tokyoïte, de son étendue et de sa diversité. Alternent, à courte distance, des immeubles parfois encore plus hauts, des chantiers qui s'apprêtent apparemment à les dépasser, et des quartiers anciens, tout en bas, aux rues étroites et aux vieilles maisonnettes en matériaux légers plus pittoresques que luxueuses ; entre eux se glissent des parcs dont les grands arbres sont ramenés, vus d'ici, aux dimensions de petits buissons. Plus loin, la ville s'étend, observable presque à 360 degrés, et un peu partout s'élèvent d'autres tours, s'étendent d'autres vieux quartiers, s'étalent d'autres parcs. Malheureusement le temps est gris, le plafond bas et la visibilité limitée : ni l'océan ni les montagnes ne sont visibles : rien qu'une ville, ville interminable, ville-pays.


Le temps est compté : il faut maintenant redescendre, trouver quelque chose à manger (ce n'est pas difficile, finalement, on trouve presque partout des restaurants bon marché avec des plats garnis à partir de 500 yens, soit 4 euros à peine ; la difficulté est de choisir, ou de trouver, quelque chose qui convienne à nos goûts... exotiques). Donc après un repas ultra-rapide, on revient au Gouvernorat, dont le rez-de-chaussée abrite l'Office de tourisme où nous avons rendez-vous avec Masa et Miyoko. Grave impair, alors que la visite démarre à 13 heures, nous n'arrivons qu'après 12 h 45, ce qui fait que Masa est déjà en train de téléphoner à Manou pour comprendre ce qui se passe... notre connaissance de l'étiquette japonaise est bien prise en défaut.

Présentations faites – Masa et Miyoko sont tous deux retraités, lui ancien commercial en Europe et en Afrique, volubile et direct, elle ancienne prof d'anglais, discrète et retenue – nous prenons un train, ou peut-être bien un métro, pour Asakusa, un des plus vieux quartiers de Tokyo. On y pénètre par une porte monumentale en bois peint surmontée d'une énorme boule (restaurée récemment grâce à la générosité de Panasonic) et gardée par deux statues aux attitudes terrifiantes représentant le tonnerre et le vent, entourées d'autres figurant des divinités protectrices. Derrière, c'est une sorte de centre commercial, des boutiques serrées les unes contre les autres dégorgeant vêtements, nourriture, objets divers à des prix apparemment bien plus intéressants qu'à Ginza. La foule n'est pas trop dense : aujourd'hui n'est pas en période de vacances ni jour de congé. Au milieu des boutiques, nous découvrons un petit sanctuaire shintoïste ; devant pend la corde, actionnant une cloche, que tirent les fidèles venant se recueillir, et sont accrochés ex-votos et fétiches blancs.

De l'autre côté du marché, après une nouvelle porte avec boule et statues, se dresse un temple immense, le temple malheureusement masqué par des échafaudages, dont on peut bien voir l'intérieur, et entouré de différents sanctuaires : dans l'un se dressent d'énormes ratons laveurs protecteurs des brasseries, dans d'autres, dédiés aux enfants morts-nés ou morts en bas âge, les statues enfantines sont affublées de bavoirs... Plus loin et plus surprenant, un autre, très fréquenté paraît-il, dédié aux... aiguilles brisées de couturières...


Une haute pagode de quatre ou cinq étages se dresse près de là également.
Avant de nous quitter, nos guides tiennent à nous accompagner jusqu'à l'embarcadère, au bord de la Sumidagawa, où nous devons prendre le bateau pour descendre jusqu'au port, jusqu'à l'océan. Nous sommes 100 à 200 sur le bateau, avec une jeune animatrice qui s'accroche au micro, fait des mines et refuse de se taire pendant tout le trajet. Des deux côtés de la rivière, de la largeur de la Saône à peu près, se succèdent des immeubles plus ou moins hauts et des « express-ways » sortes d'autoroutes sur pilotis montant parfois jusqu'au troisième étage ; de hautes portes métalliques ferment des canaux conduisant à des entrepôts. Après une demi-heure environ nous débarquons à Hikone, à l'entrée du port. En fait, plusieurs îles artificielles occupent cette zone, occupées par des entrepôts, des centres commerciaux, des musées ou des parcs d'attraction ; le port doit être pour l'essentiel au-delà.

On doit ensuite marcher un moment pour rejoindre la ligne Yamanote, la ligne de métro de Japan Railways qui décrit un cercle autour du centre et qui voit passer des centaines de milliers de passagers chaque jour. Evidemment, comme notre intuition n'est pas parfaite, ou notre culture locale toujours aussi imparfaite, nous partons en sens inverse, ce qui nous oblige à vite descendre et revenir sur nos pas (il est vrai qu'on aurait pu faire le tour entier, mais le trajet aurait été considérablement allongé). Nous retrouvons à l'heure, à Oimachi, Stéphane et Manou qui nous conduisent dans un restaurant traditionnel organisé autour d'un immense bar, où nous nous régalons de grillades de viande ou de poisson, d'oeufs, de légumes, dans une atmosphère détendue. Nous commençons à maîtriser les baguettes, il le faut ! et à nous habituer au poisson cru, délicat et parfois presque sucré, pas seulement mangeable mais bon tout simplement. Et à huit heures nous rentrons (les jeunes en scooter) pour discuter un petit moment et nous mettre au lit.

mardi 1 septembre 2009

Voir le Japon... # 2

Mardi 1er septembre : premiers pas

Le vélo à Tokyo, c'est presque comme à Paris : on roule à droite ou à gauche, sur la bande cyclable ou pas, on prend les sens interdits et on se permet même, ô horreur, ô chose inimaginable dans un pays si policé, on se permet donc de passer au feu rouge, d'emprunter les passages cloutés. C'est donc par le vélo que l'anarchie s'introduira au Japon et le videra de tous ses principes et de toute morale collective. Cependant il faut noter quelques différences avec notre vieille Europe : ça se passe dans le calme, on voit peu de gymkhanas dangereux ou de passages en force, les voitures (elles sont rares à Tokyo, c'est pour nous une grande surprise) n' invectivent pas les cyclistes et acceptent bien ces méthodes de circulation déconcertantes. Quant aux vélos eux-mêmes, ce sont presque toujours de robustes vélos à l'ancienne, au guidon très relevé et très en arrière, munis d'un panier à l'avant et d'un porte-bagage. Manou et Stéphane ont charrié des matelas dessus, et on a plusieurs fois rencontré une Japonaise transportant un enfant dans un siège à la place du panier avant... et un autre dans un siège fixé sur le porte-bagage.

A la station d'Ookayama, une fois les vélos garés dans une ruelle – où le stationnement des vélos est interdit : on se met vite à la page – il faut à nouveau comprendre les tableaux, les distributeurs de billets, les plans en japonais. Heureusement, il existe dans chaque station un bureau avec des employés qui nous aident à nous repérer, et de toute façon les Japonais sont exceptionnellement serviables : il suffit de regarder le plan du réseau avec intensité pour que quelqu'un essaie de nous tirer d'embarras, quitte à nous accompagner jusqu'au métro désiré... ou à donner dans son désir de rendre service des indications erronées.

Première destination : la station Otomachi, quelque part dans le centre de Tokyo (attention, la notion de centre n'a pas grand sens ici : on trouve plusieurs centres, assez éloignés, dans cette ville qui est elle-même au centre d'une agglomération gigantesque, la plus peuplée du monde tout simplement avec ses 32 ou 33 millions d'habitants. Otomachi, c'est une immense station aux immenses couloirs au long desquels se succèdent boutiques et restaurants.

On se lance, pour boucher notre petit creux ? Pour nous faciliter la tâche, chaque restaurant affiche la photo en couleurs de ses plats garnis et leur prix. A première vue, plein de mets inconnus, pas toujours engageants : on va essayer de jouer la sécurité, avec nouilles, crevettes, riz, et des algues...; pas terrible ou trop loin de nos habitudes ? Bof....

Le quartier où nous émergeons est constitué d'immenses bâtiments récents, luxueux.

Tout près se trouve un parc, le Kôkyo Higashi Gyoen, entouré de douves profondes avec hérons et cygnes barbotant : une partie de l'ancien domaine impérial. De larges allées courbes, des arbres (cèdres, érables... et d'autres inconnus) très élevés parfois, un immense jardin botanique autour d'une pièce d'eau dans laquelle se bousculent d'énormes carpes oranges, blanches ou tachetées, comme on en verra un peu partout dorénavant. Dispersées dans le parc, s'élèvent d'anciens corps de garde et une maison de thé en bois, ainsi qu'un petit musée montrant un certain nombre de tenues d'apparat et de pièces de vaisselle tirées du trésor impérial.

Reprenant le métro, on arrive bientôt à Ginza, et on déambule le long de l'avenue Chûô Dôri, où les boutiques, un peu m'as-tu-vu, arborent les noms de Gucci, Chanel, LVMH, Chaumet : sommes-nous sur la Croisette ou les Champs-Elysées ? Une foule importante déambule, jeune surtout, la majorité en costume noir pour les hommes, en robes ou jupes sages, à part quelques ados excentriques, pour les filles. On visite rapidement les 7 étages d'une papeterie, et on trouve avec plaisir une pâtisserie française avec tous les gâteaux de « chez nous ». Plus loin, nous arrivons au vieux théâtre Kabuki Za où l'on peut entrer pour voir une heure de spectacle sur les quatre ou cinq d'une séance complète... mais seulement quand il y a une représentation, ce qui n'est pas le cas ce soir.

Métro à nouveau (merci aux serviables Japonais), vélo, et retour à la maison à la nuit, qui tombe ici tôt, car on respecte l'heure solaire, sans doute pour se lever plus tôt et travailler plus (un rêve sarkozyste? Les jeunes reviennent bientôt, et Manou nous concocte un repas à nouveau bien sympa, en commençant à nous familiariser avec le poisson cru : ce soir ce sera du saumon, fondant, doux... et délicieux. On termine le repas en goûtant à ce qu'on a rapporté avec nous.

Après le repas, on prend un long temps de discussion et de préparation de la journée du lendemain, et quand nous allons nous coucher nous voyons « les enfants » se lancer avec application dans la révision de leurs cours de japonais.