lundi 14 septembre 2009

Voir le Japon... # 15

Dimanche 14 septembre : retour au bercail

Pas besoin de réveil ce matin: bien avant l'heure, à cause du futon un peu, de l'excitation aussi, les yeux sont tôt ouverts. Yvette a passé une terrible nuit et pense bien n'avoir plus la petite bribe de nourriture ni de liquide à rejeter.

Sacs bouclés, c'est le dernier petit déjeuner à Hiraiwa, puis arrive le taxi à l'heure (on est toujours au Japon), puis nous voilà tranquillement à la gare, puis dans le rapide pour Kansaï Airport, aéroport récent construit sur une île artificielle au sud d'Osaka. De Kyoto à Kansaï, c'est une agglomération presque continue, avec quelques petites rizières enserrées dans les maisons (dont certaines en bois ont beaucoup d'allure) et des collines densément boisées en arrière-plan.

Un grand pont sur l'océan et nous y voilà. Rien de particulier ici non plus. Les hôtesses au sol sont francophones, nous accordent les sièges près de l'allée qu'on demande, enregistrent, nous appellent après un peu d'attente (difficile pour Yvette qui multiplie les allers et venues vers les toilettes) pour monter dans une navette ferroviaire automatique, puis dans l'avion, un 777 comme à l'aller: la place est toujours chichement mesurée, mais l'écran vidéo est là, outil majeur - en français, c'est plus facile - pour occuper la douzaine d'heures à venir. En passagers de la vieille génération que nous sommes, nous faisons aussi une razzia de journaux et magazines français.

Des heures durant, Yvette multiplie les séjours aux toilettes, rejetant toujours la moindre goutte d'eau, et révulsée à l'idée même de manger. Les navigantes remarquent son manège et viennent l'une après l'autre s'enquérir de ce qui ne va pas et proposer leurs services : eau, médicaments, recherche vaine de médecin. Elles envisagent même de nous faire atterrir d'urgence... alors que nous sommes à la longitude d'Oulan Bator, à la limite de la mer de Kara, et qu'il n'y a sans doute guère d'endroit aussi peu équipé au monde. Et puis, le temps passant, Yvette se sent un (tout petit) peu mieux et on patiente, sans rien voir des paysages survolés, jusqu'à Charles de Gaulle. Mais nous avons apprécié d'être entourés ainsi ; finalement lachef de cabine nous retient un fauteuil roulant avec une accompagnatrice pour le transfert de l'avion au train.

CDG : initiales bien connues qui s'incarnent dans une bâtisse immense dont on ne voit rien, que des halls, des couloirs, des escalators interminables et non décorés, des tapis roulants et une navette ferroviaire, sans une boutique et avec de rares passagers.
Le fauteuil et son pilote (une jeune Antillaise souriante) sont plus qu'utiles pour qu'Yvette ne s'épuise pas dans ce périple interminable, et tout se passe bien, les sacs sont récupérés cette fois-ci sans problème, les billets aussi (à deux minutes près, on pouvait prendre le TGV précédent).


Mais que cette gare est tristounette, peu accueillante, mal entretenue, comme toute l'aérogare : le Japon ne nous serait-il pas un peu supérieur en la matière?

Même question quand arrive le TGV : notre fleuron technique n'a pas un aspect aussi léché que le Nozomi super express, et les tableaux électroniques en plusieurs langues manquent, mais le confort est bien comparable, et la vitesse supérieure. Et il nous emporte dans la nuit à travers l'Ile de France, la Bourgogne, pour arriver à 21 h à la Part-Dieu où nous attendent Vivi et Domi.

Voilà, c'est fini, avec le souci de la santé d'Yvette qui va être la priorité immédiate, mais aussi avec des images et des souvenirs riches à digérer...

dimanche 13 septembre 2009

Voir le Japon... # 14

Dimanche 13 septembre : jour ultime

Cette nuit a été bien pénible pour Yvette qui a multiplié les séjours aux toilettes et se réveille épuisée, avec la seule envie de se reposer et de ne surtout rien manger. Malgré le beau temps revenu, elle n'envisage pas de sortir et nous attendra sagement au ryokan.

Comme nous allons très loin du centre nous déclinons la proposition de Manou de prendre des vélos : les transports en commun seront moins fatigants.

Après un long trajet, nous parvenons au Kinkaku Ji, site du justement célèbre Pavillon d'or. Contrairement au Pavillon d'argent dont il a à peu près la taille, celui-ci a bien reçu sa couverture finale et brille dans le soleil, dominant une belle pièce d'eau couverte de nénuphars et entourée d'un jardin de mousse. Le spectacle est sans conteste l'un des plus beaux qu'il nous ait été donné de voir pendant notre séjour et nous multiplions les photos, quand la foule qui se presse le permet.


Plus encore que dans les autres sites, les adultes mais surtout les écoliers en uniforme (pourtant, nous sommes dimanche et rien ne les oblige à revêtir leur « tenue de travail ») sont extrêmement nombreux, admirant et prenant force clichés, avec d'énormes réflex comme Manou ou avec leurs téléphones portables.

Plus loin nous attend le Ryoan Ji au jardin zen célébrissime, une quinzaine de rochers étant disposés de façon à ne jamais être visibles en même temps. Manou est très déçue de ne pas retouver l'atmosphère de méditation qu'elle aimait : des travaux de rénovation ont nécessité un échafaudage provisoire qui réduit la terrasse et les marches, et modifie considérablement la perspective.

Un tramway minuscule nous emmène au restaurant d'abord, puis vers un autre temple qui expose une magnifique collection de statues en bois de 10 siècles ou davantage : bouddhas, divinités redoutables, Kannon... toute d'une grande finesse et dans un excellent état de conservation. Nous grimpons ensuite quelque temps à travers le parc jusqu'à une belle bambouseraie, aux troncs verts si serrés que leur frottement provoqué par le vent émettrait un bruit continuel... Pas convaincant.

Notre chemin descend ensuite dans la verdure, vers une rivière transformée par un barrage en plan d'eau sur lequel des familles rament paisiblement. En aval, des pêcheurs, de l'eau jusqu'aux épaules, rassemblent lentement de grands filets pour une maigre récolte. C'est ici le quartier d'Arishama, apparemment lieu de détente très couru.


Et c'est presque fini. Il nous reste encore à repasser par les galeries proches de Shigo-Kawamachi que Manou et Stéphane ne connaissent pas, et à rentrer à l'hôtel pour 17 h 30, le temps d. etrouver Yvette qui n'arrive toujours pas à manger et à garder le moindre verre d'eau. Faut-il rentrer ou aller à l'hôpital à Tokyo ? Manou préfèrerait Tokyo. Nous en discutons et choisissons le retour en pays connu. Le temps surtout pour les jeunes de refermer leurs valises et retourner à la gare où les attend le Nozomi super express. Je les accompagne et leur redis toute la joie que nous avons eue de les voir et toute la reconnaissance que nous avons pour la gentillesse de leur accueil et la façon dont ils se sont mis en quatre pour organiser notre séjour. Et à bientôt, en décembre!

samedi 12 septembre 2009

Voir le Japon... # 13

Samedi 12 septembre : de temples en jardins

Les « enfants » sont bien là et nous avons rendez-vous dès 8 h 15 au petit déjeuner: Manou ne veut pas perdre une miette de son week-end, d'autant plus qu'elle est peu venue à Kyoto jusqu'à maintenant, contrairement à Stéphane qui y a depuis longtemps ses habitudes... et sera donc pour les deux jours qui viennent un guide informé, et compétent. Le temps est moins qu'engageant, les averses, lourdes, se succèdent. Mais comme des parapluies en plastique, résistant au vent en principe, sont à notre disposition à l'hôtel, et que d'autre part nous sommes tout de même venus pour visiter, il faut y aller. Un bus nous amène à la gare routière, au nord du »monstre », et là nous avons toutes les peines du monde à trouver le suivant, pourtant indiqué sur le plan. Tout le japonais de Stéphane ne nous permet que de piétiner, de tourner en rond, en interrogeant notamment deux fois le même employé. Enfin surgit l'explication : la ligne décrit deux boucles, l'une au nord et l'autre au sud de la gare, mais celle du sud est beaucoup moins desservie.

Toutes ces péripéties ne nous empêchent pas d'arriver au temple Tofuku Ji, après une petite marche. C'est un grand ensemble de bâtiments, dispersés dans un parc coupé par un vallon arboré que traversent de pittoresques passerelles couvertes en bois. Trois billets différents sont nécessaires pour visiter l'ensemble : rien n'est perdu pour nos bons moines. Le parc est, naturellement, très soigné ; il paraît qu'à l'automne il est sublime, et déjà certains des érables aux feuilles très découpées commencent à rosir. La visite se fait pour l'essentiel en chaussettes, pour découvrir des salles bien décorées et surtout des jardins zen renommés où quelques rochers sont savamment disposés au milieu de vagues de sable; ainsi l'un d'eux, aux longues vagues longitudinales, figure la vanité.


Le repas est pris, après quelques recherches, dans un resto voisin, puis nous tentons de visiter un musée tout proche en vain (il est justement fermé), mais cela nous permet de nous abriter d'une violente et brutale averse. A la première accalmie, nous nous dirigeons vers le Sanjusangen Do, une immense bâtisse de 120 mètres de long abritant une incroyable armée : 1000 répliques quasi identiques, en bois doré vieux de plusieurs siècles, de la déesse Kannon aux six bras armés de lames, de poignards ou de haches... Au milieu trône une statue plus grande, et devant cette multitude impeccablement rangée sont disposées des statues grises de divinités diverses se contorsionnant et grimaçant de colère afin de les protéger.

Un nouveau bus nous ramène vers le quartier Maruyama, aux petites ruelles charmantes et tranquilles, aux boutiques de qualité; nous fuyons la pluie dans un petit salon de thé flanqué d'un adorable jardin avec érables nains, pins taillés avec minutie, cascade, bassin à cyprins et lanternes (ce salon est l'un des repaires habituels de Stéphane).La pluie se calmant à nouveau, nous retentons la visite du jardin du Haien Ji, où nous avons trouvé hier porte close.


Nous y parvenons juste avons l'heure limite et le parcourons rapidement dans l'averse et le brouillard,déambulant dans les flaques. Au milieu de parterres délicatement arrangés s'étendent de véritables lacs en partie couverts de nénuphars et traversés de passerelles où l'on aimerait s'arrêter et rêver, ainsi que dans les balcons qui sont aménagés au long du parcours. Par beau temps, ce doit être enchanteur.
Mais la pluie nous chasse. Nous nous dirigeons vers Ponto Cho, où la foule est tellement dense qu'on y avance avec peine. Nous aimerions bien manger dans l'un des restaurants, en terrasse sur la rivière, à plusieurs étages superposés, mais le vent et la pluie qui revient régulièrement nous en dissuadent, comme d'ailleurs ils ont en dissuadé tout le monde.

C'est donc un restaurant très moderne et d'atmosphère assez passe-partout qui nous accueille. C'est un yakumaki, un restaurant de viande grillée. Nous nous asseyons sur des sièges surbaissés autour d'une table de pierre dans laquelle sont encastrés des barbecues à gaz surmontés d'une hotte. Les serveurs, gentils mais pas très performants, sont reliés par radio à la direction et nous apportent d'abord des salades, puis des légumes, des viandes (carpaccio, dés et abats de boeuf) que nous faisons griller pendant 1 h 30 environ et faisons suivre d'une glace.

Stéphane en profite pour parfumer ses chaussettes trempées...


Seul problème : Yvette se sent de moins en moins bien et, après avoir mangé, rejette tout son repas ; pas question donc de nous promener davantage et les « enfants » nous quittent pour finir leur soirée de leur côté tandis que nous rentrons rapidement à l'hôtel.

vendredi 11 septembre 2009

Voir le Japon... # 12

Vendredi 11 septembre : philosophons....

Il nous faudra encore quelques siècles au moins pour nous habituer au futon... Le réveil en est facilité et nous sommes assez tôt au petit déjeuner.

Ce matin, nous commencerons par le Ni Jo Jo, un ancien palais shogunal (le shogun était le chef militaire qui très longtemps a détenu la réalité du pouvoir dont l'empereur ne conservait que les apparences), pas très loin du centre ville, mais assez cependant pour prendre le bus qui suit de larges avenues et traverse deux rivières (les branches du Y qui traverse la ville) aux berges aménagées et fleuries. Le palais, où fourmillent les touristes, est entouré de douves qu'on franchit par un pont pour entrer dans une large enceinte carrée, par une porte à l'allure chinoise, et pour se retrouver devant un grand pavillon à la toiture dorée, ou plutôt trois pavillons accolés qu'on ne peut visiter qu'après s'être déchaussés.
A l'intérieur, le long des murs court un couloir éclairé par des fenêtres en papier : les pièces à vivre ou de réception sont de l'autre côté, isolées de l'extérieur, et souvent modulables. Les murs sont décorés à la peinture d'or, montrant des arbres mille fois répétés (cèdres, cerisiers, pins...), les plafonds sont constitués de carrés de bois tendus de papier ou de tissu rouges. Quant au sol, il est parqueté; on trouve en particulier le fameux « parquet rossignol » dont les grincements harmonieux, voulus, avaient pour but d'alerter de l'approche de conspirateurs : c'est une volière entière qui semble s'envoler des pieds des visiteurs. Les pièces ne sont pas meublées, mais dans certaines sont reconstituées des scènes de l'ancien temps, avec figurants en costumes - en cire.

A l'extérieur s'étendent plusieurs jardins, avec pièces d'eau, dont l'un nous semble largement, surcoté par le guide qui lui attribue trois étoiles. Nous y flânons un bon moment.


Sur le chemin du retour, nous descendons du bus à Ponto Cho, l'un des quartiers de Tokyo qu'il faut avoir connus dans l'animation du soir, mais c'est pour rechercher, dans cette zone de boutiques et de grands magasins, les galeries couvertes recommandées par le guide: Teramachi et Shinkyogoku, espaces ordonnés foisonnant de produits divers et animés, coupés par une galerie transversale proposant poissons emballés et préparés, fruits souvent emballés à l'unité, boissons, épices et infusions, légumes et céréales, mélanges divers. Nous y grignotons en guise de repas des brochettes de tofu grillé, spécialité rare.

Après la sieste d'Yvette il reste peu de temps avant la nuit : allons parcourir la « promenade de la philosophie » au nord-est, en commençant par le Kinkaku Ji ou Pavillon d'argent. Après une belle porte d'entrée bien restaurée, on est tout près dudit pavillon, dont la forme tranche avec celle des temples qui se succèdent sous nos yeux depuis quelques jours : c'est un simple cube, d'une dizaine de mètres ou un peu plus, surmonté d'un toit. La couverture d'argent qui devait éclairer les murs n'a jamais été posée, et de toute façon il est entouré d'échafaudages, en rénovation.

Tout autour se succèdent des jardins entretenus avec un soin maniaque : un tout petit jardin minéral tout d'abord, aux vagues de sables parallèles, et c'est donc le premier jardin zen que nous découvrons. Puis lui succède un parc dont les allées montent et descendent en longues courbes, entre des barrières de bambou derrière lesquelles s'étendent des parterres de mousse où pas un brin ne dépasse (sans aucun doute, les jardiniers travaillent ici aux ciseaux, sinon au rasoir!) ; elles franchissent un ruisseau qui se jette dans une petite pièce d'eau et finalement nous ramènent au point de départ.


Au bas du Kinkaku Ji commence la « Promenade de la philosophie » qui longe un canal ombragé au long duquel se succèdent d'impressionnantes villas, attirées par l'atmosphère de sérénité et le silence qui règnent. Imaginons un Socrate nippon devisant, entouré de ses disciples, au long de ces quelques kilomètres... Au bout d'un quart d'heure nous abandonnons cette promenade et nous jetons dans un bus pour aller voir un parc qui semble tout à fait remarquable et qui entoure, à quelque distance, le temple Haien Ji. Hélas, la nuit s'approche déjà et nous sommes refoulés.

Rentrer? Nous sommes tout près du quartier de Gion, l'une des attractions nocturnes de Kyoto : profitons-en. Des lanternes sourdes rouges éclairent à peine de magnifiques maisons de bois au milieu desquelles flânent de nombreux touristes, dont beaucoup d'étrangers. Les prix affichés ont visiblement été réévalués en fonction de la notoriété du quartier... A l'entrée du temple Heinan Ji se dresse un théâtre de 200 places où l'on peut en deux heures s'initier, ou plutôt aborder la découverte de pans essentiels de la culture japonaise : la cérémonie du thé, la confection de bouquets, la musique traditionnelle, le mime, le théâtre, la danse, et les marionnettes étonnantes : un court spectacle (avec traduction en anglais) nous raconte la triste histoire d'une malheureuse jeune fille représentée par une grande marionnette au costume rayé de rouge, manipulée par deux hommes qui dansent une sorte de ballet autour d'elle, mais presque invisibles sous leur costume et leur cagoule sombres ; son expression et sa gestuelle sont sidérantes.


Pour finir cette journée culturellement bien riche, et avant de retrouver Manou et Stéphane qui sont déjà dans le train pour nous rejoindre, nous allons nous repaître d'une énorme glace... et retournons doucement au Hiraïwa.