dimanche 30 août 2009

Voir le Japon... #1

Voir le Japon... et en revenir !

Le départ : dimanche 30 août


Récit de Roland

Pas d'angoisse, pas de tension, pas de stress apparemment pour cette nuit d'avant départ : les deux candidats au voyage ont bien dormi, et comme les bagages avaient été depuis longtemps faits, vérifiés et bouclés, ils n'ont rien d'autre à faire que déjeuner tranquillement et attendre Yannick qui sera le chauffeur, et qui arrive à neuf heures, comme convenu. La voiture aussitôt chargée, on prend la route pour se retrouver avec près de trois heures d'avance à l'aéroport : c'est le délai qu'il faut respecter, nous a-t-on dit, pour obtenir un siège permettant à Yvette d'être à l'aise... sauf que le discours tenu à Saint Exupéry est tout différent, rien n'étant possible car les places sont attribuées depuis l'achat du billet et l'avion est complet.

Tout cela nous laisse évidemment le temps de regarder les boutiques de notre toujours mignon aéroport, et de visiter rapidement la nouvelle aérogare (le terminal trois) dédiée aux compagnies low coast. Il s'agit bien, d'ailleurs, d'une aérogare low coast, un grand hangar de toile tendue sur des pylones.

A l'enregistrement, un bel agent un peu imbu de lui-même nous expose longuement tout le mal qu'il pense de l'alliance Air France-KLM, qui n'est pas et ne sera jamais une fusion, dit-il, en nous faisant miroiter tout ce qu'il aurait pu faire avec compétence pour nous si nous avions su choisir la vraie compagnie... Tant pis pour nous ! L'essentiel est que l'excédent de bagages (saucissons, pots de confiture, kouign aman, caramels, bols, champagne : ça pèse!) n'est pas facturé, que nous passons sans problème les portiques et qu'après l'attente habituelle nous nous retrouvons dans l'avion, pour l'heure de vol qui nous conduit à Amsterdam.

A Schipol, immense réseau de pistes sur lequel nous roulons de longues minutes au milieu des canaux, nous n'avons pas le temps de négocier de nouvelles places, d'autant plus que peu d'hôtesses au sol comprennent un peu de français. Nous voilà donc bien vite dans un grand Boeing 777 bleu de 350 places environ, dont les sièges sont équipés d'écrans vidéo, avec une télécommande permettant d'avoir films, jeux, musique, renseignements sur le voyage... à condition d'en comprendre le fonctionnement, ce qui prend beaucoup de temps à un anglophone aussi performant que moi. Et à 15 h 10, l'avion décolle vers le nord-est, d'une altitude de... moins deux mètres si l'on en croit l'écran.
Comme j'ai la chance d'être près d'un hublot, et en arrière de l'aile (les réacteurs sont bien pénibles à cette place), je peux profiter du paysage : des éoliennes, des îles étroites émergent de la mer du Nord sur laquelle les nuages se multiplient. On aperçoit ensuite des lambeaux du Danemark, de la Baltique, de la Suède, de la Baltique encore... Quelques lacs finlandais sont ensuite visibles, mais rien de la Russie d'Europe, qu'on survole pourtant longuement, montant jusqu'au cercle polaire avant de redescendre vers le Soleil levant. Les repas servis sont meilleurs que lorsque nous étions allés avec la même compagnie en Equateur, et Yvette essaie de se lever régulièrement et de marcher un peu. Comme nous allons vers l'est, la nuit arrive bien vite, et comme d'habitude le sommeil est difficile à trouver. A 2 h (heure française) l'aube rose point sous l'aile de l'avion, mais nous sommes loin d'avoir terminé nos 13 000 kilomètres.

Quand le jour se lève tout à fait et que les stores se relèvent peu à peu, c'est la Sibérie qui défile au-dessous : territoires verts, boisés, traversés de rares routes et presque sans un village. Et le fleuve qui apparaît, serait-ce l'Amour ? L'avion, qui vole maintenant vers le sud-est, atteint la mer du Japon, mer d'huile au début, sans un navire, bientôt masquée par les nuages. Il faut ensuite deviner le Japon tandis que l'avion, plein sud maintenant, arrive à Narita après un court survol du Pacifique. Il est 9 h 50 ici, et non plus 2 h 50 comme l'indiquent nos montres. Il pleut des cordes sous un ciel bas et épais (c'est le onzième typhon de la saison qui termine son passage, et les Tokyoïtes espèrent que ce sera le dernier).

Narita est immense, le 777 roule interminablement ; de nombreux avions, de compagnies asiatiques souvent inconnues en Europe, stationnent un peu partout. Au débarquement on passe devant une caméra thermique censée sans doute détecter les victimes de la grippe A, on laisse ensuite au comptoir de l'immigration nos empreintes digitales et une photo, et nous voilà avec notre visa. Mais l'attente des bagages se prolonge : le sac noir arrive sur le tapis roulant, puis le sac bleu... mais non, ce n'est pas notre sac bleu, seulement un autre qui lui ressemble étonnamment. Donc attendons encore. Mais rien ne vient, et revoilà encore et encore le même sac. Une seule explication : il appartient à quelqu'un qui s'est trompé et a emporté le nôtre. Catastrophe!

Tout près est le comptoir Air France, avec plusieurs hôtesses toutes jeunes et sympathiques, dont l'une heureusement parle bien le français et se précipite à la douane ; mais c'est trop tard, le sac est bien parti. Renseignements pris, celui qui l'a emporté, et dont les coordonnées sont là, sur le sac qu'il a laissé, n'est pas en transit, ce qui laisse espérer qu'on pourra récupérer notre bien. Pour l'instant, n'y a plus qu'à prendre le Narita express, comme cela nous a été expliqué avec un grand luxe de précisions par Manou et Stéphane, après avoir d'abord triomphé de la mauvaise volonté du distributeur de billets ATM et palpé nos premiers billets en yens. C'est un express tranquille, presque vide, qui s'arrête deux fois en pleine campagne à cause de la pluie et nous amène en une heure et demie à peu près à Shinagawa, grande gare d'interconnection entre métro et train, ou plutôt entre métros et trains, puisqu'il existe à Tokyo un grand nombre de compagnies de métro et plusieurs compagnies de train (ne demandez pas la différence : les trains ressemblent au métro, ont la même longueur – en général une huitaine de wagons – et roulent indifféremment, les uns et les autres, à l'air libre ou en tunnel ; le même passe peut y être utilisé).

A Shinagawa, les yeux sur les instructions envoyées, nous prenons le métro pour Oimachi, station proche, et là il s'avère plus compliqué de trouver celui d'Ookayama : nous avons bien l'impression, en suivant les explications données par différents agents consultés, de faire un grand circuit–découverte de la gare.

A Ookayama, c'est à gauche en sortant, en passant à droite d'un Mac Do. Facile! A droite se dresse un bâtiment quasi aveugle, avec une partie en surplomb, qui s'avère être l'entrée du Tokyo Tech, ou plus officiellement du Tokyo Institute of Technology qui a l'honneur d'accueillir Manou pour un an.

Donc, entre Mac Do et Tokyo Tech s'ouvre une rue assez étroite, aux trottoirs le plus souvent remplacés par des pistes cyclables, bordée de petites boutiques de toute sorte, certaines agrémentées de quelques pots de fleurs disposés contre le mur. Les câbles électriques et les pylônes défigurent les façades des maisons (deux ou trois étages) et la rue, avec ses panneaux de tissu colorés, a un petit air africain, mais avec une propreté méticuleuse. Huit cent mètres comme cela, et le taxi (merci au GPS) nous dépose au pied de l'immeuble de trois étages, dépendant du Tokyo Tech, qui héberge Manou et Stéphane. Nous y sommes ! Qui l'aurait cru voici une semaine seulement ? Voilà donc un sympathique appartement de trois pièces, plus salle de bains et buanderie, moqueté, joliment décoré et d'une propreté toute japonaise, avec un balcon d'où, paraît-il, on peut voir le Fuji-San (celui que tous les Européens appellent le Fuji-Yama).

La porte n'est pas fermée à clef, et un très gentil mot nous attend. En substance: entrez, installez-vous, reposez-vous, attendez-nous ; ce que nous faisons, bien sûr. Et un peu plus tard arrive Manou, et l'émotion nous inonde, et puis Stéphane arrive aussi, et on bavarde, et on raconte, et on questionne, et on fait l'inventaire de tout ce que nous ramenons de Lyon et qui manque souvent à nos Japonais... La perte du sac est oubliée : Stéphane a eu notre « voleur » au téléphone et notre bien nous sera rendu demain matin.

Le repas de bienvenue est aux petits oignons, les coquilles Saint Jacques cuisinées par Manou laissent bien augurer du séjour! Mais la fatigue nous conduit vite au dodo. Il est vrai que la journée commencée le 14 s'achève le 15, après 13 000 kilomètres et une trentaine d'heures sans dormir.

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